L’idée de ces monographies a été proposée par le bulletin officiel de l’instruction publique des Hautes-Pyrénées (supplément du 11/01/1887) à l’instigation de Monsieur SPULLER , ministre de l’Instruction, des Cultes et des Beaux arts.
Visker est situé au sommet d’un coteau sur la route de Bagnères à Ossun, à 10 kilomètres de cette dernière ville, chef-lieu de canton, et à 12 de Tarbes, chef-lieu d’arrondissement et de département.
C’est un joli petit village dont les limites sont : au Nord, les communes de St Martin et de Bénac, au Sud celles de Loucrup et de Hiis ; à l’Est, celle d’Arcizac-Adour, et à l’Ouest, celle de Layrisse.
Le village ne présente aucune curiosité naturelle bien remarquable, mais il jouit d’une vue admirable sur la plaine fertile de l’Adour, sur celle de l’Echez et sur la chaîne des Pyrénées, dont le splendide panorama se dessine du côté du Sud.
Il pourrait se diviser en deux régions assez distinctes. La partie méridionale forme un plateau qui comprend une faible partie de la commune ; la partie septentrionale, au contraire, plus importante que la première est très accidentée. Le sol généralement assez fertile, présente aussi une inclinaison générale qui va du Sud au Nord.
Du côté du couchant, au fond d’une profonde et étroite vallée, coule le petit ruisseau de l’Aube qui prend sa source dans le territoire de Loucrup et sert de limite aux deux communes de Layrisse et de Visker.
Plusieurs moulins sont situés sur ce cours d’eau qui après avoir fertilisé les prairies riveraines, va se jeter dans l’Echez, à Hibarette, après un cours de 8 kilomètres.
Visker est à une altitude d’environ 500 mètres. Le climat est généralement modéré ; les chaleurs y sont moins fortes et les froids moins rigoureux que dans beaucoup de communes environnantes. La température y est aussi très saine. Les nombreux cas de vieillesse que l’on rencontre dans cette petite commune sont une preuve convaincante de cette dernière affirmation. A l’heure actuelle, on y compte 10 octogénaires, et il y a moins de quatre ans, on en y trouvait 30 et trois nonagénaires qui frisaient la centaine.
Les vents dominants soufflent du Nord et de l’Ouest.
Ceux de l’Ouest amènent souvent la pluie et, à la saison, parfois la grêle.
La population de la commune est de 338 habitants, d’après le recensement de 1886, soit une diminution de 21 habitants sur celui de 1881. Il y a lieu d’attribuer cette diminution à l’émigration de la jeunesse vers les villes et aussi à la mortalité qui a porté spécialement, c’est vrai, sur l’âge avancé, mais qui, ces dernières années, a été plus grande que d’ordinaire.
Les habitants semblent être en général très sociables et très sensibles. Mais il ne faut pas trop se fier à leur bonhomie apprêtée, car rarement on trouve l’hypocrisie et la fourberie poussées jusqu’à une pareille limite.
Ils veulent paraître fiers, indépendants, et nulle part on n’est plus asservi : la parole d’un chef de parti ou celle du prêtre pousserait à des excès ces entichés de bigotisme qui, à l’occasion, ne manqueraient pas non plus, en se donnant d’un autre, de retourner leurs flèches empoisonnées contre le précédent chef qui les aurait conduits à la bataille.
La piété dont ils ont parade n’est qu’une vertu simulée dont ils font usage pour mieux tromper.
Ils assistent, hommes et femmes, avec la plus grande régularité, à tous les exercices du culte dans la pratique auquel il semble qu’ils vont sans cesse renouveler leurs forces pour la tromperie et la diffamation.
La commune qui fait partie de la perception de Bénac est desservie pour le culte par un desservant de Montgaillard.
La valeur du centime est de 0.18524 et les revenus communaux qui sont insignifiants ne suffisent pas à établir la balance du budget communal pour l’équilibre duquel il faut avoir recours chaque année à une imposition extraordinaire.
Le domaine agricole comprend environ 190 hectares de terres labourables, 80 hectares de prairies naturelles, 30 hectares de vignes, 35 hectares de pâturages, landes et bruyères et 30 hectares de bois, forêts et terres incultes. La propriété y est divisée ; on y compte 1082 parcelles possédées par 140 propriétaires.
La routine avait porté pendant bien longtemps les plus funestes effets à l’agriculture. Mais aujourd’hui, grâce à l’influence et à l’exemple de quelques bons propriétaires, la culture est faite d’une manière assez intelligente. On travaille à la mise en valeur de terrains incultes ; les nouvelles méthodes sont entrées dans les goûts des agriculteurs et il n’y a plus qu’à regretter que le morcellement de la propriété ou le manque d’entente entre les propriétaires ne permette pas l’emploi des machines dont l’agriculture dispose aujourd’hui.
Je dois cependant dire, au risque d’être banal, car ceci est de bon augure pour l’avenir, qu’une petite association mutuelle s’est formée ces dernières années entre quelques petits propriétaires pour le dépiquage du grain, grâce à l’intelligence et active initiative de M. Carret, ancien maire et riche propriétaire de la localité.
Cette association a déjà produit les meilleurs résultats et l’exemple des modestes propriétaires sera suivi des gros, car d’autres sociétés du même genre sont déjà en voie de formation.
Les récoltes des diverses céréales est loin de suffire aux besoins de la consommation locale ; mais les fruits, les pommes de terre, les châtaignes suppléent à l’insuffisance des graines et sont même un revenu assez important pour certains propriétaires. Les vignobles produisent un excellent vin blanc qui, pour la qualité, ne le cède en rien aux meilleurs crus du département.
Mais le rendement du vin qui, comme celui des céréales, suffisait largement autrefois à tous les besoins de la consommation locale est réduit aujourd’hui à un produit insignifiant. Le phylloxéra, c’est vrai, a épargné jusqu’ici la précieuse plante, mais les ravages du moins clément mildew sont on ne peut plus considérables.
Fort heureusement, le remède au mal sera peut-être trouvé. Les essais faits l’année dernière avec le sulfate de cuivre contre l’insecte dévastateur ont été couronnés de succès. On ne peut que constater avec plaisir l’activité et la confiance avec lesquelles on se prépare déjà de tous côtés à la guerre qu’on va faire cette année au terrible insecte. Espérons qu’elle sera décisive et toute à notre avantage.
Les forêts communales n’ont pas une grande importance et ne sont pas soumises au régime forestier ; elles sont pour essences le châtaignier et le chêne ; leur revenu annuel n’est que d’une moyenne de 60 francs.
L’élève des animaux domestiques forme la seule industrie communale. Chaque maison a son troupeau, grand ou petit, lequel est composé, suivant le degré, de fortune du propriétaire, d’un nombre plus ou moins considérable de bêtes à laine et de bêtes à cornes appartenant toutes à la race auroise ou à celles de Lourdes.
La commune est desservie par trois routes principales : le chemin de Gde Communication N° 25 d’Ossun à Bagnères qui la traverse dans toute sa longueur ; le chemin d’intérêt commun N° 3 qui conduit à la route nationale N° 135, à travers le village de St Martin, et le chemin d’intérêt commun N° 54, d’Arcizac-Adour à Germs.
Le développement total de ces diverses voies de communication est de 13 kilomètres à travers le territoire de la commune.
A tort ou à raison, le village de Visker devrait son nom au caractère quelque peu humoriste des habitants.
Un jour, en effet, dit la légende, le seigneur suzerain s’adressant à son vassal du lieu qui fut plus tard Visker, aurait demandé à celui-ci : quel nom voulez-vous donner à votre territoire ?
– Ma foi, je n’en sais rien. Mon château est situé sur un coteau où le vent ne souffle pas mal de tous côtés. Quand il souffle un peu plus fort que d’habitude, les habitants du lieu se trouvent vivement contrariés, ils bisquent.
Eh bien, alors, répliqua le suzerain, ce lieu s’appellera Bisquer.
Ce nom est, en effet, celui dont on désignait la commune au commencement du siècle, et Visker ne serait donc qu’une corruption du mot Bisquer.
Quant au château, sur les ruines duquel a été bâtie une modeste maison et au rôle que le seigneur peut avoir joué dans l’histoire locale, les vieillards n’en ont gardé aucun souvenir, même confus. Ils savent seulement, par la tradition, que le château a été incendié à une époque déjà reculée et que deux femmes périrent dans les flammes.
C’est vers le commencement de ce siècle que nous trouvons les premières traces de l’enseignement primaire dans la commune. Toutefois, la première école régulièrement tenue dans la localité ne semble dater que de 1817 seulement. Elle était dirigée par un certain Tourré pourvu d’un brevet de capacité du 3ème degré et qui avait été autorisé à exercer la profession d’instituteur dans la commune par une autorisation spéciale en date du 15 octobre 1817, de M. Jourdan, recteur de l’Académie de Pau.
Cet instituteur qui partageait son temps entre sa profession d’instituteur et celle de tisserand réunissait les enfants, pour leur apprendre à lire, à écrire et à chiffrer (C’était tout ce que, d’après la législation de l’époque, pouvait enseigner un instituteur du 3° degré), dans un taudis, comme cela se faisait d’ailleurs un peu partout à cette époque.
C’était là, dans une grange, sous un hangar, dans un lieu infect souvent, que le dévoué tisserand-instituteur distribuait aux enfants la petite nourriture intellectuelle en échange de laquelle il recevait le morceau de mauvais pain qui devait faire vivre sa famille et lui-même.
M. Tourré resta dans la commune jusqu’en l’année 1832. Il fut remplacé à la tête de l’école par un certain Barbe, instituteur du 2ème degré qui, comme son prédécesseur, avait reçu aussi l’autorisation d’exercer la profession d’instituteur primaire dans la commune par décision du 13 août 1832 de M. Loyson, Recteur de l’académie de Pau.
Ces deux instituteurs ne recevaient d’autre traitement que la rétribution annuelle de leurs élèves laquelle consistait en une mesure de blé, par élève qui écrivait et en une mesure de maïs par élève qui lisait seulement.
Il va sans dire que les parents, par raison d’économie tenaient à ce que leurs enfants n’écrivissent que le plus tard possible.
Cet état de choses se prolongea jusqu’à la promulgation de la loi du 28 juin 1833 qui vint tant soit peu améliorer la position de l’instituteur. A partir de ce moment, celui-ci jouit d’un traitement fixe de 200 francs et continue à percevoir la rétribution de ses élèves.
Nous trouvons ensuite M. Forgue qui fut agréé comme instituteur communal par délibération du Conseil municipal à la date du 14 8bre 1835.
Cet excellent maître, ancien élève de l’école normale de Tarbes, ne fit que passer dans la commune et céda la place à M. Murraté, autre élève de l’école normale de Tarbes qui, dans le courant de l’année 1838, arriva dans la commune où il a parcouru une longue carrière toute remplie d’abnégation de soi-même et de dévouement à la cause de l’instruction populaire.
Depuis 1876, trois instituteurs ont successivement occupé le poste de la commune : M. Sabathié, actuellement instituteur à Lanne, M. Senmartin, instituteur, à Bernac-Dessus et moi.
J’aurais garde de chercher à faire l’éloge de mes deux devanciers. Tout ce que je saurais dire sur leur compte ne ferait qu’amoindrir le mérite de ces maîtres si connus et si justement appréciés.
Quant à moi qui suis venu après tant d’excellents maîtres, je ne me mettrai sur leur rang que pour protester de mon dévouement à la cause sacrée pour laquelle ils ont si vaillamment combattu ou combattent encore ; heureux, si je puis, non les surpasser, mais les égaler.
La commune qui, un instant, a pu être accusée d’indifférence, s’est montrée, depuis la promulgation de la loi du 28 juin 1833, toujours très dévouée à la cause de l’instruction.
Aussitôt après, en effet, la promulgation de cette loi, nous trouvons, à la date du 22 décembre de ma même année, une délibération du Conseil municipal approuvant les plan et devis d’un projet de construction de maison d’école.
La commune contribuait pour une large part dans la dépense de construction de cet établissement. Mais cette construction resta au simple état de projet, l’Etat se refusant à accorder le mince secours que la commune sollicitait.
Ce n’est pas la seule fois d’ailleurs que l’Etat si large, je dirais presque si prodigue, dans certaines subventions qu’il a accordées, s’est montré d’une avarice extrême chaque fois qu’il s’agit de Visker.
La commune veut enfin en finir une fois pour toutes.
Aussi, dans le courant de l’année 1872, elle fait dresser de nouveaux plans et devis d’une maison d’école et demande une nouvelle fois à l’administration de venir à son aide.
L’état, cette fois, consent à délier les cordons de sa bourse. Il accorde à la commune, sur les 13000 francs qu’a coûté la construction de cet établissement, la somme respectable ou dérisoire de 5000 frs.
Avec un crédit aussi restreint, la maison d’école à construire ne pouvait pas être bien luxueuse. On devait se borner au strict nécessaire et c’est ce que l’on a fait.
La partie du local affectée au service de l’instituteur est cependant presque suffisant, mais celle mise à la disposition de l’institutrice répond moins aux besoins actuels de l’enseignement. La salle d’école des filles est un peu restreinte, le logement de cette dernière un peu serré et il manque aux deux maîtres quelques dépendances pour les dépôts qu’il peut y avoir lieu de faire.
Il serait inutile de demander à la commune un nouveau sacrifice quelconque. Elle a fait, jusqu’à ce moment ce qu’il lui était possible de faire. Mais si l’Etat plus généreux envers Visker qu’il ne l’a été jusqu’ici voulait faire quelque chose, il suffirait d’un secours de 3000 francs pour mettre les écoles en état de répondre à tous les besoins actuels de l’instruction.